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Convention entre l’INPG et l’UPMF pour la création de l’ENSGI : un premier pas vers l’université de Grenoble

Les 2 établissements, par la volonté de leur président respectif en 1990, ont étroitement collaboré pour que l’école génie industriel soit résolument interdisciplinaire. Bernard Pouyet (UPMF) livre ici le contexte de cette originalité, appuyé par un texte de Georges Lespinard (INPG) de avril 1990.
"Faire aboutir les projets portés par les équipes et les laboratoires relève, pour un président d'université, de l'exercice normal de ses responsabilités, tout en constituant un des actes les plus gratifiants de ses fonctions. C'est ainsi que Georges Lespinard, à la présidence de l'INPG et moi-même à la tête de l'université des sciences sociales, avons eu la chance et la très grande satisfaction de conclure l'alliance de nos établissements pour la création de la première école de génie industriel française. Ce faisant, Georges Lespinard, accomplissait d'avantage qu'un simple acte de gestion administrative, il faisait preuve d'un singulier courage. Du courage, il en fallait il est vrai à l'époque, pour le président d'une grande école d'ingénieurs, pour engager son établissement auprès d'une université de sciences humaines et sociales. 1968 avait durablement installé dans l'esprit de nombre de chefs d'entreprise notamment, l'idée d'une université française en rupture avec son environnement économique, et, au sein même de l'université, de nombreux enseignants-chercheurs, entretenaient une culture d'isolement dans laquelle ils s'enfermaient complaisamment. Pourtant, au seuil des années 1990, au moment où va se créer précisément l'école de génie industriel, la prise de conscience d'un nécessaire dépassement de la crise de l'université française, s'affirme. Sous l'impulsion de Claude Allègre, un programme de réformes, sans exemple récent, et la mobilisation de réels moyens s'opèrent. Ils trouveront leur aboutissement, notamment à travers le schéma « Universités 2000 » et la politique contractuelle, entre le Ministère de l'Education et les Universités, fondée sur l'élaboration de leur projet d'établissement. En 1991, l'université des sciences sociales de Grenoble choisit de se transformer en Université Pierre Mendès France. A travers ce patronage, elle entend invoquer l'homme d'Etat qui a incarné la morale en politique, mais aussi l'économiste, voire l'homme politique qui misait sur l'avenir des jeunes et sur une indispensable refonte de l'université. L'UPMF va donc jouer la carte du génie industriel comme l'un des éléments clefs de son premier projet d'établissement et de sa transformation. Pour Grenoble 2, le lent processus de construction de l'ENSGI à partir des travaux de l'équipe d'économie du travail de l'Institut de Recherche Economique sur la Production et le Développement (IREPD UPMF/CNRS), puis la constitution du Groupement Scientifique Interdisciplinaire de Productique (GSIP), et enfin la création du CRISTO, a agi comme le révélateur d'une attente à l'égard des sciences sociales et comme une reconnaissance de la qualité de la recherche conduite dans les laboratoires de l'UPMF, tant en économie et en gestion et -c'était alors assez improbable- qu'en sociologie. Le mérite en revient aux équipes que fédèrent autour d'eux Denis Segrestin et Michel Hollard. On remarquera que ce dernier, au cours de cette période, se trouvait investi de la mission de créer et d'animer la première cellule université/industrie de Grenoble 2. Par son effet de reconnaissance, la création de l'ENSGI a conforté l'UPMF dans sa structuration même et a participé à son ouverture vers l'extérieur. Au cours des années 1980, Grenoble 2 a connu une crise de l'enseignement et de la recherche en économie politique, peinant à dépasser une image quelque peu académique et figée, de surcroit à forte connotation idéologique. La sortie de crise est venue, d'une part, de l'affirmation de l'Ecole Supérieure des Affaires (ESA devenue IAE - Institut d'Administration des Entreprises) également partie prenante à la création de l'ENSGI, comme une business school publique de référence, d'autre part de la répartition de l'économie et de la recherche en deux UFR (Unité de Formation et de Recherche) : l'UFR de sciences économiques et l'UFR Développement, gestion économique et société (DGES), intégrant l'IREPD. Cette partition qui ne s'est pas effectué sans douleur, a été cause de concurrence, mais aussi d'émulation et a favorisé à la fois une modernisation et une professionnalisation des enseignements économiques et un dynamisme de la recherche grenobloise en économie appliquée. Une autre innovation de l'ENSGI a résidé dans la possibilité offerte aux étudiants titulaires d'une maîtrise d'économie d'intégrer, sous certaines conditions, une école d'ingénieur. Sur la durée, cette possibilité n'a été autorisée qu'à un nombre insignifiant de diplômés de l'université. Mais qu'elle ait été rendue possible, malgré les réticences et les résistances de la Commission du Titre d'Ingénieurs, a constitué en soi un encouragement à œuvrer aux relations entre grandes écoles et universités. Ce rapprochement ne chemine que lentement, du moins est-il aujourd'hui à l'ordre du jour même s'il faudra encore beaucoup de temps et d'efforts pour que soit dépassée une exception française, qui handicape la compétitivité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Du moins, au plan local, l'école génie industriel peut constituer un fort stimulant à la construction de l'Université de Grenoble, laquelle passe aujourd'hui par l'étape constitutive du Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES). Si les 20 ans de génie industriel consacrent une réussite, c'est bien celle d'une interdisciplinarité féconde entre les sciences sociales et humaines et aussi la reconnaissance qu'elles peuvent apporter à la formation des technologues, et plus généralement des scientifiques, d'avantage qu'un supplément d'âme... Mais est également célébrée une capacité des promoteurs de l'école, et surtout de ceux qui l'ont fait fonctionner et se développer, à surmonter toute une série de difficultés administratives et budgétaires, des spécificités culturelles, et surtout, de solides préjugés. Construire aujourd'hui « une Université de Grenoble », réunissant dans leur complémentarité et dans leur relation au formidable potentiel du site, tous les établissements, est une belle et difficile opportunité. C'est aussi un défi que la référence à l'ENSGI peut aider à relever."
Bernard Pouyet, Ancien président de l'Université Pierre Mendes France (1987/1992)
  Editorial d'Intercours, journal de l'UPMF, avril 1990 "Que le Président de l'INPG rédige l'Editorial d'Intercours est chose inhabituelle ! C'est donc qu'un événement particulier le justifie : la récente signature publique de la Convention liant l'Université des sciences sociales et l'INPG pour la création de l'Ecole d'ingénieurs en Génie Industriel, qui recevra sa première promotion en octobre 1990. Une école d'ingénieurs peu commune, comme le note la Commission du Titre d'Ingénieurs, puisque 30% des enseignements concerneront les sciences sociales ou économiques et que des maîtres en économies ou en gestion y entreront sur titre, à côté des "taupins" recrutés par concours. Il s'agit aussi d'un profil qui, pour être classique dans l'industrie, ne l'est pas encore dans notre système éducatif. Une fois de plus, Grenoble innove, et je tiens à dire dans ces colonnes tout le plaisir que le Président Pouyet et moi-même avons eu de voir se souder une véritable équipe de collègues des deux établissements, qui apportent leurs cultures complémentaires au service d'un projet auquel ils croient également. Aujourd'hui, le projet devient réalité, et après la maquette pédagogique, c'est l'accueil des étudiants et la thématique de recherche qu'il faut affiner. Il reste encore beaucoup à faire, mais l'équipe dirigée par Gérard Cognet est solide et motivée. Elle saura faire honneur à nos deux établissements et au pôle universitaire grenoblois tout entier."
Georges Lespinard, président de l'INPG 1987-1992 (décédé en 2007)