Génie industriel - Rubrique Recherche - 2022

Thèse Stéphanie Tillement

Comment garantir la fiabilité d’un réseau socio-technique en constante évolution ? Comment les hommes « s’arrangent-ils » pour garantir cette fiabilité ? Quelles conditions, organisationnelles, professionnelles favorisent ou pas une maîtrise collective des risques ?
Sous la direction de C. Cholez, T. Reverdy et D. Vinck

Entrée en 2006 à l’école de Génie Industriel, Stéphanie manifeste assez tôt un fort intérêt pour la sociologie industrielle et en particulier l’étude des métiers et professions. Après son diplôme d’ingénieur, elle s’inscrit au Master 2 Recherche "Sociologie et Dynamiques des Organisations et des Institutions" à Paris Dauphine pour approfondir sa formation sociologique. Elle démarre parallèlement étude sur la maintenance des escaliers roulants au sein de la RATP, dans le cadre d’un programme de recherche du laboratoire PACTE en partenariat avec la FonSCI (Fondation pour une Culture de la Sécurité Industrielle). Intégrée à l’unité Maîtrise des Risques d’Entreprise (MRE) de la RATP, Stéphanie arpente les couloirs sombres du métro pour comprendre comment les risques sont pris en compte par les différentes équipes en charge de grands projets d’automatisation des lignes.
 
Le travail de thèse, financé par la FonCSI intitulé dans le cadre son programme « Facteurs socio-culturels du retour d’expérience », s’intéresse aux pratiques de maîtrise des risques d’acteurs engagés dans des situations critiques, distribuées et instables, à savoir de vastes projets de modernisation des installations ferroviaires. Il interroge la façon dont la division technique et « morale » du travail, la complexité socio-technique, la distribution du travail et des pressions de production peuvent affecter ces pratiques, en développant une perspective interactionniste. Il montre le rôle joué par les dynamiques intra et inter-groupes professionnels dans la maîtrise des risques, et questionne tout particulièrement le lien entre travail d’articulation et sécurité. Il s’appuie sur une méthodologie dite de « retour d’expérience élargie » de plusieurs incidents, ainsi que sur des entretiens et des observations de situations de travail.
 

Etudiant un monde fortement technicisé, mais également objet de profondes transformations, la thèse met l’accent sur le travail d’articulation intra et inter- groupes en combinant une approche cognitive de la gestion des imprévus et plus largement de l’incertitude, avec une approche plus sociale voire politique, tout en cherchant à prendre en compte la dimension matérielle de l’articulation. Est mis en évidence le rôle des objets (plans, schémas, etc.) dans les pratiques quotidiennes, mais aussi dans la réélaboration des « arrangements », dans la redéfinition des territoires professionnels et finalement dans la maîtrise des risques. Les objets peuvent supporter des pratiques de sécurité, mais peuvent aussi, face à des évolutions organisationnelles et techniques, renforcer la dispersion, diminuer la vigilance des acteurs et contribuer à des ruptures dans les routines de travail, devenant in fine accidentogène.
 
La thèse a été soutenue le 19 mai 2011 devant les membres du jury : Mathilde BOURRIER, Université de Genève, Nicolas DODIER, EHESS, Claude GILBERT, CNRS, Hervé LAROCHE, Ecole Supérieure de Commerce de Paris, Dominique VINCK, Université Pierre Mendès France.