3 questions à Karine Picard, premier ingénieur de l'école génie industriel de Grenoble
Major de la première promotion, Karine Picard travaille aujourd'hui chez Schneider Electric, dans l'équipe Supply Chain Design. Ils sont les architectes des flux, au service des Clients. Elle évoque ici ce qui faisait l'originalité de cette jeune école dès les premières années.
Comment et pourquoi avez-vous choisi d'entrer à l'ENSGI, une école naissante et donc sans notoriété ?
J'ai eu connaissance de la création de cette nouvelle école en recevant une plaquette de présentation. Le contenu de la formation a tout de suite attiré mon attention. Je me destinais à devenir ingénieur, et je m'interrogeais sérieusement sur ce métier qui selon moi devait aller au-delà des compétences techniques. J'ai été séduite par la façon dont l'ENSGI proposait l'intégration des enseignements en sciences humaines et sociales. D'autres écoles proposaient des cours d'économie et de sociologie, mais pas dans les mêmes proportions, et surtout, pas avec cette volonté claire de les intégrer à part entière. Le programme proposé par l'école correspondait finalement à ce que pouvait réserver la vie professionnelle grâce à l'interdisciplinarité et les liens avec les industriels.
Justement, au cours de votre cursus, comment avez-vous appréhendé les relations avec les entreprises ?
C'est sûr que l'implication des industriels dans le projet de l'école était un gage de qualité. Ce n'était pas des relations quotidiennes, mais il y avait une réelle volonté pour que les entreprises participent à notre formation. Nous avons pu travailler avec eux sur des projets très concrets (les études de terrain par exemple) et ils nous réservaient un accueil particulier pour nos stages. Même si je ne me suis jamais interdit de m'adresser à d'autres entreprises, nous avions un accès facilité à celles membres du Club des industriels. Ainsi, comme je souhaitais vraiment avoir une expérience internationale, j'ai eu l'opportunité de faire mon stage de deuxième année en Australie, où Merlin Gerin était implanté.
J'ai aussi le souvenir d'un parrain de promotion très impliqué. Jean Vaujany avait la conviction que l'aspect humain avait un rôle fondamental dans l'entreprise. Il nous a transmis les valeurs sociales et sociétales auxquelles il croyait et qui étaient réelles chez Merlin Gerin.
Quels autres souvenirs gardez-vous de l'école ?
De la formation, je garde la richesse des cours qui dépassaient les enseignements purement techniques. Le programme permettait de passer du concret au théorique, du technique à l'économique, du sociologique au terrain... c'était une ouverture de chaque aspect vers un autre. Avec le recul aujourd'hui, je me demande même s'il n'était pas possible d'aller encore plus loin dans la confrontation entre nos savoirs acquis et le terrain.
Et puis c'était une toute petite promotion de 22 élèves, il y avait une très bonne ambiance et une vraie solidarité. Nous étions tous très motivés malgré les conditions un peu rocambolesques : une seule salle de cours et peut-être même n'avait-elle pas de fenêtres. Mais nous étions conscients d'être des pionniers. Nous avons tous fait le choix cette école, non pas parce qu'elle était un gage d'employabilité à la sortie, mais par conviction. Aucun de nous n'était là par hasard, on était très impliqués et fiers.
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Le Dauphiné Libéré - Dimanche 4 juillet 1993
"Une promotion de pionniers"
Née en 1990 d'un partenariat exceptionnel entre universités et entreprises, l'Ecole de Génie Industriel a décerné vendredi ses premiers diplômes.
Voilà c'est fait : ils sont 22, 16 garçons et 6 filles, à avoir suivi avec succès les trois années de scolarité des l'Ecole de Génie Industriel à Grenoble et à partir, munis du précieux diplôme, vers le marché de l'emploi. Si la cérémonie de remise des diplômes d'ingénieurs est toujours un moment important dans la vie de l'INPG, celle-ci a pris un relief plus solennel puisqu'aussi bien cette promotion est la toute première et que ses étudiants comme ses enseignants peuvent à juste titre, être qualifiés de pionniers.
Rappelons ici que l'Ecole nationale supérieure de Génie Industriel, 9ème école de l'INPG, est née en 1990 après une longue phase de réflexion associant les universités, le rectorat et les entreprises sur le concept et la réalité du génie industriel. Ce qui caractérise cette école, c'est à l'évidence l'exemplarité du partenariat qui a su s'instaurer entre l'INPG (assurant 60% des enseignements), l'université Pierre Mendès France (assurant 40% des enseignements à travers son département « Sciences sociales appliquées au génie industriel » rattaché à Sciences-Eco) et le club des industriels. Lequel regroupe, en qualité de membres fondateurs de l'école, des entreprises aussi prestigieuses que Merlin-Gerin, RVI, Hewlett-Packard, Bull ou la Lyonnaise de Banque, et est associé de très près au contenu des enseignements et à la vie de l'école. Signe emblématique de cette synergie bien comprise, c'est Jean Vaujany, président d'honneur de Merlin-Gerin, qui est le parrain d'une première promotion à qui il laissera son nom.
Ce rapprochement rare entre sciences de l'ingénieur et sciences sociales a garanti aux nouveaux diplômés une réelle interdisciplinarité. Ce qui devrait être un atout majeur sur le marché du travail quelque peu déprimé ! Pour cette première promotion qui comptait 22 étudiants (la suivante en compte 33, la 3ème 57), les perspectives semblent d'ailleurs relativement ouvertes, en partie grâce au partenariat mené avec le club des industriels qui compte près de 200 personnes.
Cette première promotion de « prototypes », comme certains n'ont pas hésité à l'affirmer, a été saluée successivement par Gérard Cognet, directeur de l'école, François Juillet, président du conseil, Jacques Ferdane, président du club des industriels, Guy Romier, président de l'Université Pierre Mendès-France, Maurice Renaud, président de l'INPG, Jean Paul Watteau, recteur de l'académie de Grenoble et Jean Vaujany. Et un trophée a été remis au major de la promotion, Karine Picard, avec mission pour elle de le transmettre l'an prochain au futur major !
Françoise CHARDON