Arrivé à Grenoble en 1990 comme enseignant de génie mécanique à l'ENSHMG, l'opportunité m'a été donnée de participer à la mise en route des premiers enseignements de mécanique et technologie à l'ENSGI, cette école n'ayant pas encore son potentiel d'enseignants. C'est ainsi que j'ai découvert le projet de formation fortement tournée vers la multi-culturalité et également l'équipe du GSIP qui a porté l'ENSGI sur les fonts baptismaux.
La chance pour moi était de lancer à la même période le réseau PRIMECA, réseau fédérateur d'établissement français dans le domaine de la conception mécanique assistée par ordinateur. Et ceci a particulièrement intéressé mes collègues sociologues, Dominique Vinck travaillant sur la mise en place des réseaux d'une part, Henri Tiger, Alain Jeantet et Denis Segrestin étant plus intéressés par la mise en place de méthodes et d'outils en entreprise. C'est donc tout naturellement qu'un groupe de travail interdisciplinaire s'est crée autour des problématiques de conception et de la gestion des connaissances, ayant retrouvé pour l'occasion le concours de Jean Marc Fouet, spécialiste d'intelligence artificielle, lui-même nommé à Lyon.
Au fil du temps je me suis petit à petit dégagé de mes enseignements à l'ENSGI pour laisser la place aux jeunes collègues mécaniciens qui y étaient recrutés, retrouvant alors l'ENSHMG.
C'est je pense le formidable travail collectif que nous avons pu faire dans ces premières années de l'école qui a fait que les enseignants de l'ENSGI sont venus me proposer d'être leur deuxième directeur.
Homme de réseaux, acquis à la nécessité pour nos étudiants de complètement adhérer au multiculturel, j'ai souhaité orienter mon mandat de directeur vers l'ouverture de l'école à l'international afin de renforcer chez nos étudiants l'intérêt de comprendre et d'accepter différentes cultures. Le terrain y était favorable, l'école ayant déjà fait sienne d'enseigner deux langues étrangères obligatoires et même de proposer aux étudiants rentrant bilingues de commencer une troisième langue.
L'école était déjà impliquée dans un réseau international en génie industriel, sous groupe du Cluster lancé par l'INPG. C'est ainsi que nous avions de bons contacts avec les universités de Barcelone, Darmstadt, Dublin, Eindhoven, Karlsruhe, Lausanne, Louvain, Madrid, Stockholm, Turin avec qui nous pouvions commencer des échanges. Un double diplôme avec Karlsruhe était lancé, un autre avec Madrid sera rapidement signé.
Une première action pour motiver nos étudiants a été d'inviter systématiquement, lors du séminaire de rentrée de nos premières années, un collègue étranger afin de présenter son établissement, montrer les différences culturelles, et pousser ces jeunes recrues à penser au plus tôt leur séjour à l'international. Un séjour en 3ème année vers un pays exotique doit se préparer dès les premiers mois de l'école! Nous avons reçu à cette occasion les Professeurs Gérald Hammer de Karlsruhe, Juan José Scala de Madrid, W.M.J van Gelder d'Eindhoven, Andrew Kusiak de l'Université de l'Iowa, Anice Anderson de l'Arizona State University. Une chance pour nous était de pouvoir recevoir ces professeurs étrangers en professeurs invités en utilisant les fonds mis à notre disposition dans une fondation par la Lyonnaise de Banque, membre du club industriel à la création. Les Professeurs Stein Wallace de Trondheim et François Saintfort de l'Université du Wisconsin-Madison ont également pu bénéficier de ces invitations.
Une deuxième action, avec Jeanne Duvallet alors responsable des relations internationales de l'ENSGI, a été de faire le tour des établissements canadiens en 1999, américains en 2000, afin d'ouvrir des portes pour nos élèves. Ces destinations étaient effectivement très demandées par nos étudiants et nous avions des difficultés à équilibrer les échanges. C'est en visitant la célèbre université Canadienne McGill que nous nous sommes rendus compte que nos étudiants, pourtant en dernière année d'école d'ingénieur, ne possédaient aucun diplôme autre que le baccalauréat. Ils ne pouvaient donc prétendre aux cours "graduate". C'est donc en ces lieux que nous avons décidé de délivrer un diplôme d'établissement de "bachelor" à tous nos élèves rentrant en troisième année. Le 23 mars 1999, nous recevions ce message de la Faculty of Graduate Studies and Research: "this degree [....] makes it equivalent to our B.Eng, and therefore acceptable for graduate studies at McGill"
La tournée américaine nous a ouvert des portes pour nos élèves, mais nous a également fait découvrir qu'il était très difficile de recevoir des étudiants américains en échange. D'une part, parce que peu d'étudiants américains parlent français (sauf parmi les étudiants déjà en échange en université américaine), d'autre part parce que la formation américaine introduit les outils mathématiques lorsqu'ils sont nécessaires, mais ne se base pas sur notre culture des classes préparatoires et enfin parce que les frais d'inscription en université américaine sont incomparables à nos propres frais. C'est donc pour pouvoir tout de même attirer des étudiants américains que nous avons mis en place le semestre international, formation offerte en échange (les étudiants continuent de payer les frais dans leur propre établissement) et se déroulant de Septembre à Décembre. Aux cours proposés en anglais s'ajoute une formation en français pour étrangers, des séminaires culturels et des excursions. Bien évidemment ces cours étaient également proposés à certains étudiants étrangers en échange classique, voire à certains de nos étudiants.
International semester: Courses on offer Integrated Product and Process Design Operation Research Techniques Management of Information Systems Simulation of manufacturing systems Industrial Organization Corporate Finance Marketing Research Production and Operations Management Business Modelling French Cultural Environment
Nous avons également pu profiter des ouvertures en échange de places dans les programmes négociés par la cellule relation internationale de l'INPG, en particulier en participant également activement au "Summer Program" de l'INPG.
Avec un objectif de faire partir à l'étranger, si possible, tous nos élèves pour une durée minimum de 3 mois, il n'était pas possible de ne faire ces départs qu'en troisième année, car nous n'aurions plus eu d'élèves dans nos propres cours ! Nous avons donc fortement milité pour que ces départs puissent se faire également en deuxième année, pour le stage ingénieur adjoint ou pour le projet de fin d'études. C'est ainsi que sur la promotion Sylvain Sadier, 8 élèves ont fait le stage opérateur à l'étranger, 12 un échange en deuxième année, 19 le stage d'ingénieur adjoint, 27 un échange en troisième année et 15 le projet de fin d'études, soit 81 départs pour 87 étudiants, dont 66 concernés compte tenu des départs multiples (78%).
De même en 2001, nous avons reçu 53 étudiants en échange dont 3 spécifiquement en semestre international, 14 étudiants en double diplôme et 7 étudiants de master.
Encore faudrait il citer des actions spécifiques prises en charge par nos élèves; l'ESTIEM, le bureau des élèves à l'international, l'organisation d'un séminaire franco-allemand, le parrainage des étrangers par nos élèves, ..., et tant d'autres.
Ne nous étonnons donc pas:
- que 30% des élèves de la promotion 2008 travaillent à l'international 6 mois après leur diplôme
- que la possibilité de faire une partie de ses études à l'étranger soit également un critère de choix très fort pour nos candidats au concours d'admission à Grenoble-INP-Génie industriel!
Serge Tichkiewitch, directeur de l'ENSGI d'avril 1997 à avril 2002